Aurore & crépuscule,
Adolphe Le Roy un peintre créole romantique
Musée Léon Dierx
A partir du 22 novembre 2025
Du mardi au dimanche de 9h à 17h
Né le 26 mars 1832 à Saint-Denis, il se prénomme comme son père, un breton de Saint-Malo. Au cours d’un voyage pour La Réunion, ce dernier s’arrête aux Seychelles, y épouse Mlle Dugand, fille d’un Européen fixé en ces îles, et, sitôt marié, continue sur Bourbon avec sa jeune femme. Adolphe est le onzième de leurs 14 enfants. Sa famille appartient à la moyenne bourgeoisie locale.
Tout petit, il se fait acheter des crayons ainsi que des couleurs et commence à peindre. Il dessine aussi à la plume. Il entre dans la vie active à 18 ans et travaille dans la maison de change de son père mais Le Roy n’a qu’une passion : l’art ; tous ses loisirs lui sont consacrés.
Vers 1860, il fonde avec son associé la maison de commerce Lauratet & Le Roy qui possède des comptoirs dans l'océan Indien et des navires sur lesquels il voyage parfois. En 1879, il épouse une jeune artiste, Gabrielle, fille d’un grand sucrier de Saint-André, Xavier Victor Bellier-Montrose. Ils n’ont pas de descendance. En 1885, la maison de commerce Lauratet et Le Roy connaît la faillite. Il accepte alors une place d’employé dans une grande épicerie.
Son activité le fixe dans sa destinée de n’être que peintre de paysage et de marine et de n’être peintre que de deux moments : l’aurore et le crépuscule, ceux dont il dispose.
En dépit de ses malheurs professionnels, il expose régulièrement dès 1850 et montre ses oeuvres dans les foires agricoles au Jardin de l’Etat ou dans les foires intercoloniales à Maurice qui réservent un espace aux artistes. Il expose également dans des lieux prestigieux : à l’Hôtel de ville de Saint-Denis se muant en Salon de peintures en 1862 et 1881 ou encore à Paris lors de l’Exposition universelle de 1878.
En mai 1892, il se rend à Madagascar pour y régler toutes ses affaires puis reprend la route de La Réunion sur un voilier. A bord, il tient son journal de voyage et brusquement il est pris d’un délire effrayant. Quand Le Roy débarque à La Réunion, c’est en forcené. Que s’est-il passé à Madagascar ou à bord ? On ne le sait pas. Paludisme ? Lésion cérébrale ? Maladie héréditaire ? En une quinzaine de jours, il succombe, le 26 juillet 1892, dans sa maison, sans enfant ni disciple autre que sa femme.
Les paysages
Les paysages des « Hauts » d’Adolphe Le Roy sont ceux de Salazie où son beau-père Xavier Victor Bellier possède une maison de « changement d’air », de Hell-Bourg et de Cilaos, des villages résidentiels en plein essor à partir de 1850 en raison des agréments du thermalisme.
Au sortir du bureau, il fait souvent une heure de voiture pour aller dans les Hauts. D’autres fois, il se levait tôt pour étudier l’aurore. Fait curieux, il ne passe jamais de vacances au bord de la mer. De ses contemplations sont nées de nombreuses toiles. Ainsi, Le Roy s’appuie sur Nature mais jamais il n’a fait un dessin complet ou peint une toile entière sur le motif.
Les rivières réunionnaises, principalement celles de l’Est de l’Ile, lui fournissent un matériau thématique privilégié. Les gorges encaissées, où le flot des eaux se brisent sur les rochers, deviennent les sujets de ses toiles les plus célèbres.
Leur composition s’inscrit d’une façon répétitive dans la tradition académique. Seule la lumière naturelle change : elle est matinale ou vespérale. L’imprécision de la végétation, avec des arbres aux masses et aux coloris souvent identiques, renforce l’atmosphère onirique de ses paysages.
L’homme ne fait qu’une apparition fugace dans ses toiles où la nature s’impose dans sa force écrasante.
L'océan
La mer et les rivages n’inspirent pas à Adolphe Le Roy des œuvres propres à un sentiment d’évasion ou à la contemplation du spectacle de ses flux et reflux, de la beauté de ses vagues. Homme d’affaires, il voyage sur ses bateaux et se rend en Inde ou à Madagascar pour le commerce du riz. La mer demeure pour lui le lieu du négoce.
La majorité de ses marines est empreinte du réalisme de l’armateur plus que de l’imaginaire du peintre paysagiste. Leur composition classique et le soin apporté à la description des navires de commerce ou de long cours, le rapproche des marines hollandaises des 16e et 17e siècles, vitrines de la prospérité de leur société marchande. Les marines d’Adolphe Le Roy évoquent l’agitation qui anime alors la zone portuaire du Barachois où l’artiste aime se promener.
L’artiste rapporte les dangers des traversées en mer qui lui inspirent des œuvres souvent tragiques avec des scènes de tempêtes et de naufrages, une réalité du commerce maritime de son temps.
Il est familier des « coups de vents » et des cyclones qui sévissent dans l’océan Indien et dont il rend compte à plusieurs reprises dans ses gravures. Il se montre plus intéressé par le drame humain que par la symbolique des tourments intérieurs de l’homme ou par la fascination pour le spectacle des cataclysmes naturels, sources d’inspiration dans la peinture romantique.
L'ombre et la lumière
Adolphe Le Roy n’est pas un adepte de la peinture en plein air. Il fait des croquis sur le vif puis réalise ses peintures en atelier selon une composition académique en trois plans avec des éléments encadrants à droite et à gauche de la vue pour créer de la profondeur jusqu’aux nues.
En revanche, il est attiré par le spectacle de ce moment de bascule entre la tombée de la nuit et celui où l’aube vient rompre les ténèbres. Ses paysages nocturnes et de pleine lune inscrivent son œuvre dans la tradition picturale romantique.
Cette thématique avive un sentiment d’angoisse car la nuit rend flous les contours des paysages et altère la perception familière d’un lieu. Elle dénote également un penchant chez l’artiste pour un certain mysticisme qu’il concrétise dans des figurations de tombeaux. L’obscurité et la nuit constituent en effet un cadre propice à l’évocation de la mort et du deuil.
Chez Adolphe Le Roy, le chaos ne s’exprime pas que dans la nuit mais aussi dans les arbres, souvent malmenés, présentant des branches mortes, déchiquetés par les vents des tempêtes.
L’étude des phénomènes naturels, orages, tempêtes et cyclones, dans leur spectacle et leurs effets destructeurs, est un des traits caractéristiques du courant romantique tant littéraire que pictural auquel se rattache l’artiste qui s’essaie ainsi avec succès aux paysages nocturnes et inquiétants.








